Au cœur de la guerre, Frère d’âme relate le combat d’un homme pour venger son Frère d’arme. Une claque.

Frère d’âme, l’histoire
Un matin de Grande Guerre. Un coup de sifflet. Le signal. Les hommes du capitaine Armand bondissent des entrailles de la terre où ils se terrent. Ce n’est pas leur monde, leur pays ou leur combat mais fuir n’est pas une option. Alors ils hurlent, font rouler leurs yeux dans leurs orbites, pour effrayer l’ennemi autant que pour se donner du courage. Mais un matin de Grande Guerre, Mademba tombe sous les yeux d’Alfa, son frère et plus que frère. Alfa n’a pas écouté son frère et plus que frère qui le suppliait de l’achever, de l’aider à mourir. Car ce n’est pas humain de tuer un homme. Ce matin-là pourtant, Alfa se rend compte qu’il a été inhumain. Il commence à penser par lui-même et à s’éloigner de ce que culture et tradition lui ont toujours appris. Pour honorer la mémoire de son frère et plus que frère, il se traîne dans la boue et surprend ses ennemis les plus isolés. Il les torture lentement puis les achève, car au-delà de sa vengeance, il veut être humain. Et chaque soir, il revient au campement avec comme trophée une main de l’ennemi. Les premières fois, les siens l’acclament comme un héros. Mais petit à petit, ils commencent à le craindre car il semble ne pas avoir de limite dans sa folie vindicative. À leurs yeux, il est devenu un sorcier, un dëmm, un démon.
Rapatrié à l’Arrière, loin du front, Alfa se souvient de son frère et plus que frère, de leur jeunesse, de leur enfance. Il dessine le Sénégal et son village, sa famille, les traditions, la culture. Mais la frontière entre réel et imaginaire s’amenuise et la folie l’englouti petit à petit.
Mon avis sur ce livre
Que dire de ce roman ? Les romans de guerre ne sont pas les plus évidents à lire et celui-ci n’échappe pas à la règle. Mais quelle claque. L’auteur nous plonge au plus profond des sentiments de ce tirailleur sénégalais qui nous raconte son récit telle une lente mélopée, une longue plainte emplie de souvenirs et de souffrance. J’ai beaucoup aimé cette manière d’écrire – qui ne plaira certainement pas à tout le monde. De longs morceaux de phrases sont répétés souvent, comme un rituel, nous plongeant un peu plus au coeur de la culture africaine. Une lecture courte mais poignante qui ne m’a pas laissée insensible. On comprend aisément sa belle récompense du prix Goncourt des lycéens 2018.