« À la folie » est le témoignage de Joy Sorman qui, pendant un an, a confronté sa réalité à celle de la psychiatrie pour nous en livrer ce précieux témoignage.

À la folie – Joy Sorman

À la folie, l’histoire

L’asile est un endroit qui nous effraie ou nous touche, nous intrigue parfois et nous fait fantasmer souvent car il évoque en un seul lieu tout le champ des possibles. Pendant une année, Joy Sorman a été le témoin de la vie qui s’écoule entre ses murs. Elle raconte ceux qui veulent s’échapper à tout prix et ceux qui, effrayés par la société, ne connaissent que ce refuge dont ils ne veulent désormais plus sortir.

Il y a eu l’âge d’or de la psychiatrie, celui qui ne manquait pas de moyens. Celui où on sortait les fous au cinéma ou manger une pizza, pour conserver un pied dans la société, un semblant de normalité. Aujourd’hui révolu, l’enfermement est le reflet de notre société actuelle : un système qui confond parfois problème social et troubles psychiatriques. Des molécules plutôt que des paroles. Des soignants dépassés et en sous-effectifs. Un système de soins déshumanisé.

Jacques se voit comme un monstre, pas comme un fou, dit qu’on l’a qualifié de dément pour ne pas se donner la peine de penser tout ce sourd enfoui qui grouille. La folie est une solution à l’inenvisageable, quand le coût pour la pensée est trop élevé, elle permet d’esquiver, de se dérober (…). [Jacques], accusant les médecins, les juges et le monde entier d’avoir trop peur de lui pour reconnaître qu’ils appartiennent bien à la même espère.

Joy Sorman raconte également les hommes et les femmes qui vivent au pavillon 4B. Ceux qui sont psychotiques, les bipolaires, les dépressifs et les paranoïaques ou ceux encore qui préfèrent qu’on les appelle « fous » car c’est plus doux. Mais les fous ne sont pas le fou et il y a autant de fous que d’individus. Il y a Franck, il y a Maria, il y a Jessica ou Jordan. Parfois à moitié conscients de leur folie, ils l’exploitent et en jouent, se perdant ainsi en eux-mêmes pour écarter la réalité ou tromper l’ennui.

Mon avis sur ce livre

« À la folie » est une lecture spéciale où les fous sont les personnages réels du roman. Pas tout à fait neutre, l’auteure nous montre les difficultés du quotidien, le manque de moyens économiques et humains qui compliquent la tâche des soignants. Plongée au cœur d’un univers aux nombreux stéréotypes, elle dévoile aussi les instants de lueurs, moments aussi brefs que magiques qui, l’espace d’une seconde, illuminent les yeux ou un sourire et qui rendent aux fous toute leur humanité. Livre témoignage, « À la folie » est également un roman dont la plume de l’auteure nous offre quelques passages enchanteurs.

La porte qu’on ferme à clé, que d’autres verrouillent à notre place, qu’on claque, devant laquelle on patiente, contre laquelle on s’acharne, on tambourine, on cogne, avec son poing ou sa tête, qu’on veut à tout prix ouvrir, à tout prix fermer, qui à la fois protège et enferme – certains étouffent de la voir close, d’autres paniquent de la voir ouverte, sur l’hostilité du monde extérieur. Elle apaise autant qu’elle emmure, on peut la fixer pendant des heures en silence, traversé de mille frayeurs et tentations, ne sachant plus si on redoute ou espère qu’elle s’ouvre, qu’elle se ferme, ne sachant plus si on désire ou maudit ce qui se tient derrière, percevant parfois quelques murmures, imaginant alors, avec colère ou inquiétude, ce qui se dit de l’autre côté, ce qui se trame, des conciliabules hostiles, des décisions définitives – on parle sur moi.