À treize ans, V. tombe sous l’emprise d’un homme de 36 ans son aîné. Des années plus tard, elle se rendra compte avec effroi de la perversité de cette relation dans laquelle elle s’est engouffrée, se livrant corps et âme.

Le consentement, l’histoire
V. n’a que treize ans lorsqu’elle rencontre G., la cinquantaine, lors d’un souper organisé par des amis de sa mère. Passionnée de livres, elle tombe en admiration devant cet homme cultivé et intelligent qui pose sur elle un regard de braise.
Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle reçoit quelques jours plus tard une lettre enflammée de sa part lui proposant de le rejoindre. Insistant à plusieurs reprises, V. finit par céder, émue qu’un homme puisse s’intéresser à elle de la sorte. C’est le début d’une relation intense et tumultueuse avec G., auteur contesté et personnage décrié pour ses penchants. Son charisme et ses manières auront une forte emprise sur l’adolescente qui, une fois qu’elle aura pris du recul, comprendra toute la perversité de sa relation.
« Le consentement » témoigne d’une mascarade bien huilée où l’enfant est proie, l’adulte prédateur.
Cet homme n’était pas bon. Il était bien ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance : un ogre
Mon avis sur ce livre
« Le consentement » est le témoignage de Vanessa Springora et de sa relation avec Gabriel Matzneff. Pédophile notoire pourtant plébiscité, Gabriel a écrit de nombreux livres où il décrit ses pratiques sans toutefois en être inquiété. Personnage magnétique, manipulateur, pervers narcissique, il va jusqu’à écrire une pétition en 1977 défendant les relations sexuelles entre adultes et enfants. Pour lui, le pédophile « se pose en sauveur héroïque de l’enfance. » Publiée dans le journal Le monde, elle a été signée par de nombreux membres de l’élite intellectuelle : Simon de Beauvoir, Louis Aragon, Roland Barthes, Jack Lang et bien d’autres.
Toléré et même parfois encensé à l’époque par la société – Vanessa explique qu’à plusieurs reprises, des adultes auraient pu empêcher l’emprise de Gabriel sur elle mais qu’il n’en a rien été – celui qui aime « les petits culs frais » nous fait aujourd’hui bondir. À l’heure des #metoo, les langues se délient et la parole des victimes se libère. Mais c’est bien cela tout le problème de Vanessa Springora : comment se déclarer victime lorsqu’on a consenti à ces relations sexuelles ? Comment montrer qu’un homme de 50 ans l’a initiée à des choses qu’elle n’aurait dû découvrir que bien plus tard ? Comment prouver qu’il l’a amputée d’une partie de sa vie en ne la laissant pas vivre son adolescence ?
Mais pire encore, une fois leur relation terminée, il a continué de la poursuivre, en lui écrivant des lettres et en publiant un journal intime sur leur relation où il y donne de nombreux détails ainsi que des extraits de leurs échanges épistolaires. La vie fantasmée de Vanessa se retrouve coincée dans une série de livres sur lesquels elle n’a plus aucun pouvoir. Si sa vie lui appartient désormais, son identité lui échappe.
Que dire encore d’un homme qui, en 2013, a reçu le prix Renaudot pour son livre « Séraphin, c’est la fin ! » ? Un acte d’une extrême violence pour la victime qui pose la question de la dissociation entre l’homme et l’artiste. Cerise sur la gâteau, Gabriel Matzneff a offert ses manuscrits à l’Imec, l’Institut Mémoires de l’édition Contemporaine à Caen. Ainsi, ils seront promis à la postérité.
Enfin, on apprend tout récemment que Gabriel Matzneff, 84 ans, vient d’écrire « Vanessavirus » en réponse au Consentement. Reste à savoir s’il sera publié.
La perversité et la dégueulasserie n’ont décidément pas d’âge.
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