Sur l’île de Barrøy, la vie se poursuit, inlassablement. Saison après saison, les générations se succèdent et s’organisent pour subvenir aux hostilités de l’hiver.

Les invisibles, l’histoire
Dans une brume tremblotante, Barrøy, une petite île au large de la Norvège, se dresse fièrement au milieu des flots. Elle accueille en son sein et depuis des générations la famille éponyme. Traversant les âges, nature et hommes s’accomplissent au rythme des saisons où chaque jour compte son lot de tâches. Un planning serré et nécessaire qui permettra de préparer au mieux l’hiver pour tenir bon jusqu’au printemps prochain. Mais sur Barrøy, on redoute autant le gel où la mer se fige, spectacle aussi effrayant que fascinant, que la sécheresse et les risques d’eau tarie.
Dans cette vie de dur labeur – dont les insulaires ne pourraient pourtant se passer – les connaissances se transmettent de génération en génération. Un précieux héritage qu’adultes et enfants mettent en pratique dès le plus jeune âge. Barrøy, c’est leur île, leur vie. On y naît, on y vit et on y meurt, infiniment.
Mon avis sur ce livre
« Les invisibles » m’ont transportée dans un univers froid et autarcique où la survie est un challenge de chaque instant. Une lecture lente et répétitive où si rien ne change fondamentalement, aucun jour ne se ressemble pour autant. Cette répétition des choses confère aux habitants de l’île une certaine sérénité qu’ils ne trouveraient pas ailleurs. Et « ailleurs », ils n’y pensent même pas, car leur vie et la vie de l’île sont intrinsèquement liées.
Barrøy fait partie d’eux, de leur histoire et de leur quotidien. Ils l’ont apprivoisée, cultivée et ont appris à l’écouter. Ils ont aussi appris à la craindre, redoutant son climat parfois hostile, craignant leur isolement sans nom, sans jamais s’en détacher. Une dualité de sentiments avec laquelle chacun a appris à vivre et qui s’exacerbe quand s’abat brusquement le silence.
Ils s’en aperçoivent tous en même temps.
Ils s’arrêtent dans leur ouvrage, lèvent la tête, se dévisagent et tendent l’oreille.
Soudain, on n’entend même plus de cris d’oiseaux. Plus de sifflements dans l’herbe, plus de bruissement d’insecte. La mer est lisse, le clapot entre les rochers du rivage cesse, il n’y a pas un bruit entre les horizons, comme s’ils étaient à l’intérieur.
Un tel silence arrive très rarement.
Et ce qu’il y a de plus particulier encore, c’est qu’il se produise sur une île. Sur une île, le silence est plus brutal que celui qui peut s’abattre sur la forêt, sans prévenir. La forêt est souvent silencieuse. Sur une île, il y a si rarement du silence que les gens s’arrêtent net, regardent autour d’eux et se demandent ce qui se passe. Le silence les étonne. Il est mystérieux, presque chargé d’espoirs, c’est un étranger sans visage vêtu d’un manteau noir qui arpente l’île à pas feutrés. Sa durée varie selon les saisons, le silence peut durer longtemps dans le gel de l’hiver, comme lorsqu’il y avait de la glace autour de l’île, mais celui de l’été est toujours comme une petite pause entre un souffle de vent et un autre, entre le flot et le jusant, ou pendant ce miracle qu’est l’instant où l’homme cesse d’inspirer avant d’expirer.
Et puis soudain, une mouette pousse à nouveau un cri, une nouvelle rafale de vent surgit de nulle part et le nouveau-né se réveille et crie sur sa peau de mouton. Ils reprennent alors leurs outils et recommencent à travailler comme si de rien n’était. Car c’est précisément ce qui s’est passé : rien. On parle de calme avant la tempête, on dit que ce calme est un avertissement, un signe précurseur, il peut signifier quelque chose dont on ne saisira la portée qu’après avoir longuement cherché dans la Bible. Mais le silence sur une île n’est rien. Personne n’en parle, nul ne s’en souvient, tellement il marque les esprits. C’est l’infime aperçu de la mort tant qu’ils sont encore en vie.
Une lecture déroutante où on pourrait penser s’ennuyer mais qui nous tient pourtant en haleine tout au long des 300 pages. Roy Jacobsen décrit à merveille cet univers particulier dans des passages d’une absolue poésie. Une belle plume à découvrir !
Georges Pichot
Ça donne envie de le lire!
La Nana Se Livre
Merci ! 🙂